Guatemala. Alma a 15 ans et décide d’entrer dans un gang. Elle s’engage avec sa clique dans un quotidien fait de vols, de violences et d’extorsions. Elle tue aussi. Fol engrenage de « la vida loca » : hôpital, prison, cimetière. Cinq ans plus tard, elle décide de quitter la “Mara 18”. Elle le paiera au prix fort.
C’est ce témoignage poignant, les yeux dans les yeux, qui forme l’ossature du webdocumentaire fondé sur le travail au long cours du photographe Miquel Dewever-Plana et de la journaliste Isabelle Fougère. Dans un huis clos suffocant, Alma livre une confession sans fard sur sa vie d’alors, ballottée entre trafic de drogue et règlements de compte.
Ce bloc de parole, promesse d’empathie et de récit, ouvre aussi sur d’autres images que l’utilisateur peut convoquer d’une simple pression du doigt. Contrepoints figuratifs, ces évocations poétiques permettent d’enluminer les mots d’Alma et de représenter l’irreprésentable (ce qui n’est plus ou ce qu’il est trop pénible de regarder en face). Le dispositif tactile permet de toucher le visage du personnage, de l’affecter et de le faire disparaître au profit de ces représentations alternant peintures et dessins de Hugues Micol, photos d’archives et prises de vues contemporaines réelles. Démiurge du montage, le webspectateur décide de ce qu’il voit, mais le récit d’Alma se poursuit, implacable.
Simplicité d’utilisation et puissance d’évocation : ce webdocumentaire « digital » (au sens premier du terme) cultive l’épure, la retenue et la délicatesse. En un mot : l’éthique. Il offre aussi un écrin idéal à Alma qui ouvre son âme pour livrer un récit très intime, et très politique. Repentie en sursis, son destin entre en résonance avec celui de nombreux autres jeunes d’Amérique Centrale. Et pour la protéger, le programme a été géobloqué au Guatemala.